Tout dépend de la façon dont on voit les choses… Mais ne vous attendez pas à trouver davantage de jargon cycliste dans cet entretien avec Vic Swerts en personne, Dirk Coorevits (CEO) et Steven De Vos (Group Operations Director), qui m'accueillent pour la discussion qui alimentera notre rubrique mensuelle Insightz. Le café, préparé 'à la façon Swerts', est servi par l'administrateur délégué lui-même.

En 2022, après 55 ans d'existence, Soudal est devenu un groupe qui emploie 4.000 personnes et réalise un chiffre d'affaires de pas moins de 1,3 milliard d'euros. Le groupe possède 25 sites de production et 77 filiales qui commercialisent les produits de ses marques dans 140 pays. Dirk Coorevits considère l'Europe orientale et occidentale (y compris la Russie et la Turquie) comme ses marchés domestiques. Soudal se développe à l'échelle mondiale, à la fois par une croissance organique et par des acquisitions (buy and build). Avec beaucoup de patience, d'ascensions difficiles, de pédalage et de freinages intensifs, mais aussi d'essais et d'erreurs.

Les 3 piliers de produits de Soudal

Les produits d'étanchéité, les mousses PU et les adhésifs sont vendus tant dans le secteur de la construction professionnelle que dans ceux du bricolage et de l'industrie. Soudal produit sous ses propres marques, ainsi que sous des marques de distributeurs et des marques maison pour de grands clients et d'autres fournisseurs. Soudal pénètre les marchés étrangers en produisant localement dans la plupart des cas, en faisant appel à des matières premières et à une main-d'œuvre locales. "Voilà qui répond déjà à vos éventuelles questions concernant la chaîne d'approvisionnement et l'empreinte écologique", déclare Dirk Coorevits avec le sourire.

Vic Swerts ajoute : "Le site où nous nous trouvons, ici à Turnhout, est l'usine principale, notre centre d'excellence. 40 % de ce qui est fabriqué dans le monde entier vient d'ici, et ce malgré le fait que la Belgique ne représente que 7 % de notre chiffre d'affaires. Nous sommes ici en train de construire notre usine du futur. Sur ce site, nous fabriquons également des produits pour d'autres grandes marques de renommée mondiale, que nous préférons toutefois ne pas citer. Comme vous le savez, à travers nos groupes cyclistes, nous continuons à investir au niveau international dans notre propre marque, qui reste prioritaire."

Un environnement concurrentiel et disruptif – nous ne sommes pas plus catholiques que le pape.

Pour Dirk Coorevits, la liste des priorités est très longue, qu'il s'agisse de questions juridiques ou des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). "Cela fait déjà longtemps que nous développons des adhésifs et des mastics à base d'eau (sans aucun solvant). Les conditionnements réutilisables sont conçus ici, et nous apportons notre contribution active, aux côtés d'autres acteurs du secteur industriel, à une usine de recyclage allemande, PDR (Produkte durch Recycling), située à Turnau, où 98,4 % de la mousse de polyuréthane est recyclée. Et lorsque nous parlons de recyclage, nous ne parlons pas uniquement du PVC et des aérosols, mais aussi du PU, de la colle ou du mastic qu'ils contiennent. Notre objectif est d'introduire cette technologie développée en Allemagne dans d'autres pays."

"Nous avons récemment mis au point une colle de montage composée à 80 % de matériaux biosourcés, conditionnée dans une cartouche en plastique recyclé. Après 10 ans de recherche, nous disposons aujourd'hui d'un mastic acrylique présentant les mêmes propriétés mécaniques que le silicone et le PU." Le baron Swerts précise : "Nous ne sommes pas plus catholiques que le pape, mais nous devons aussi gagner notre vie à l'avenir – Soudal n'est pas à vendre. C'est pourquoi nous investissons des sommes considérables aujourd'hui pour pouvoir continuer à exister pendant encore 100 ans. Autrement dit, nous devons prendre ces défis au sérieux, faute de quoi nous serons pénalisés."

Une croissance internationale à long terme – Center of Excellence

Steven De Vos sort brièvement de son registre technologique et manufacturier. "Le Center of Excellence que nous construisons ici complète la mission à long terme de Soudal, qui tient compte des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Notre nouvelle usine en Campine servira de site pilote où nous développerons des tas de choses, tant sur le plan technologique que sur celui de l'innovation, que nous pourrons ensuite mettre à profit sur d'autres sites ou qui serviront de modèle à de nouvelles usines à l'étranger, permettant à notre entreprise d'être encore plus proche de ses clients, comme c'est le cas en Corée du Sud, par exemple. Les perturbations qui ont affecté la chaîne d'approvisionnement au cours de ces deux dernières années nous ont beaucoup appris. Si l'usine en Chine ferme ses portes en raison des restrictions liées à la politique de gestion du COVID du gouvernement chinois, il faudra que nous soyons en mesure de réorienter la production rapidement, avec les matières premières, les machines et les technologies adéquates. La numérisation devrait nous permettre de disposer de modèles capables de changer de capacité très rapidement."

Steven De Vos précise : "Notre infrastructure numérique repose sur le PGI SAP, que nous avons déjà déployé sur plusieurs sites. Nous avons récemment implémenté S/4HANA Cloud, qui nous permet de disposer de modèles plus intelligents. Nous utilisons également l'application SAP Extended Warehouse Management au niveau de la couche supérieure. Nous sommes actuellement en train de le déployer de manière systématique sur tous les sites, y compris ceux que nous avons rachetés, dont la plupart utilisent encore d'anciens PGI d'un autre type."

"Ensuite, pour que la chaîne d'approvisionnement et la production puissent devenir intelligentes et agiles, nous utilisons Pearl Chain d'Adaptive, une société que nous avons rachetée essentiellement parce que nous avions déjà acquis un savoir-faire considérable à ses côtés. Cela a permet de gérer tout ce qui a trait aux commandes et à la planification, une tâche qui, rien que dans l'Usine 1, qui compte pas moins de 55 lignes de remplissage et 25 lignes de mélange, peut s'avérer particulièrement complexe. Pas à pas, nous progressons donc également au niveau des systèmes MES."

Dirk Coorevits poursuit : "L'Usine 5 sera encore agrandie, et nous allons nous concentrer davantage sur la maintenance prédictive, les mesures de l'efficacité globale des équipements (OEE), l'éclairage intelligent pour nos opérateurs, etc. Pour ce faire, nous nous appuyons sur notre équipe d'ingénierie, d'automatisation et de robotique, qui compte 45 ingénieurs et 35 informaticiens. Nous poursuivons le développement de nos propres systèmes SCADA/API. En ce qui concerne la robotisation, nous constatons que là où la main-d'œuvre humaine avait été réduite par le passé, nous voulons aujourd'hui privilégier le recours à la technologie permettant de garder notre personnel, et robotiser les tâches moins agréables, comme le nettoyage des cuves de mélange."

"Nous acquérons également de nouvelles compétences grâce à notre structure internationale", poursuit Steven De Vos. "Nous avons un ingénieur polonais qui travaille sur les jumeaux numériques et teste la technologie des VGA, que nous souhaitons adopter dans la nouvelle usine. Nous développons énormément de choses en interne, comme nos mélangeurs polyvalents, dont la conception est entièrement assurée en interne."

"Nous sommes actuellement en train de développer 8 usines, dont l'Usine 5", précise Dirk Coorevits. "Celle de Slovénie a été récemment modernisée, et d'autres suivront bientôt, notamment les Usines 5 et 4."

Avec tous les Chinois... mais surtout avec les matières premières et l'énergie

"La Chine, à quelque 200 kilomètres de Shanghai, est la prochaine étape (la Chine assure aujourd'hui 60 % de la production mondiale de matières premières pour le silicone)", indique Dirk Coorevits. "La matière première de base du silicone est le silicium métallique, dont la concentration est particulièrement élevée en Chine. À l'avenir, la Chine représentera 80 % de l'extraction et du traitement de ce minerai. En raison de l'importance du marché domestique, de la proximité des matières premières et de l'empreinte environnementale, nous comptons investir à fond dans cette région avec notre usine. L'augmentation du coût de l'énergie pour les produits chimiques oblige les principaux acteurs du marché à se tourner vers des pays comme la Chine, où les coûts énergétiques sont moins élevés. Tout le monde sait pertinemment que les géants allemands de la chimie, et même l'entreprise américaine DOW, ont du mal à faire face aux coûts de l'énergie et des matières premières, et que certains abandonnent même leurs activités dans le domaine de la chimie à base de silicium."

L'usine du futur – Pas à pas, au rythme de la croissance

Le directeur des opérations s'exprime brièvement sur les nouvelles méthodes de production durable. "La nouvelle usine obtient les meilleurs résultats BREEAM (plus de 85 %) en matière de gestion, d'utilisation et de performances durables. Nous n'utilisons plus de gaz pour le chauffage et la climatisation, mais uniquement la géothermie et les panneaux solaires. Cette production d'énergie renouvelable devrait nous permettre d'atteindre une capacité de 2,8 fois la consommation moyenne annuelle. Sur notre site Seveso, nous testons actuellement notre propre éolienne de 2,34 MW. Tous les excédents sont utilisés pour la production. Aux heures de pointe et lorsque la production photovoltaïque est plus faible, nous devons bien sûr combler le manque d'énergie. La nouvelle usine est mise en service par étapes, ce qui nous permet de faire de la place dans l'Usine 1 pour des lignes supplémentaires de mastics acryliques et de silicones. Certaines lignes ont déjà été transférées, dont celles des silicones modifiées hybrides. L'Usine 4, qui ne sera mise en service qu'après l'Usine 5, servira à augmenter la production des lignes de PU. Nous anticipons une croissance de 30.000 tonnes par an, sur 18.000 m², mais nous procédons par étapes, et avec une configuration de type 'open flow', de manière à pouvoir répondre aux besoins réels du marché."

Steven De Vos part d'un principe très simple : "Il vaut toujours mieux essayer que de ne jamais échouer. Nous faisons beaucoup d'essais, et parfois ils se terminent par un échec, mais nous en tirons toujours des enseignements pour les étapes suivantes." Vic Swerts et Dirk Coorevits clarifient ce point : "Cela fait déjà des années que nous mettons au point de nouvelles cartouches. Et cela coûte une fortune. Nous devons faire fabriquer près de 19.000 types de conditionnements différents. Nous voulons ici introduire de nouveaux produits et conditionnements de manière flexible et rapide, sans surstockage, dans le monde entier."

SOUDAL EN 2030

D'après les estimations personnelles de Vic Swerts, Soudal devrait enregistrer un chiffre d'affaires compris entre 2 et 2,5 milliards d'euros. "La concentration de gros clients, mais aussi de fournisseurs, progresse rapidement, et les demandes de ces clients sont également beaucoup plus complexes. Les outils de vente et de planification du département commercial ont donc énormément évolué."

Steven De Vos souligne que Soudal est une entreprise manufacturière fortement axée sur les ventes. Les technologies de production et les niveaux de service les plus élevés sont ici essentiels. Vic Swerts insiste sur le fait que la plupart des groupes chimiques ne parviennent pas à se rapprocher du consommateur parce qu'ils ont tendance à réfléchir du point de vue de leur système de production idéal, plutôt que du point de vue du produit idéal pour le client.

À 1 heure du matin pile, le tableau de bord numérique accessible via Clickview fournit un aperçu global de toutes les commandes et de la production individuelle par ligne, par département et par produit. Ces données sont poussées au-dessus des différentes couches du PGI depuis toutes les usines jusqu'au lac de données.

Selon Dirk Coorevits, que ce soit dans le domaine de la construction, de l'industrie ou du bricolage, la concentration de la clientèle évolue de plus en plus rapidement au niveau international. "Il y a énormément d'acquisitions du côté des clients, et le nombre de concurrents se réduit également. Ce constat, combiné au resserrement de l'offre des fournisseurs de matières premières (Chine, Allemagne et États-Unis), aux innovations technologiques (plateformes de configuration en ligne, impression 3D des habitations, etc.) et aux critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), exige une extrême vigilance."

LES PRINCIPES FONDAMENTAUX DU TRIO EN TÊTE DE PELOTON

Vic Swerts se met à rire en faisant remarquer qu'avec l'âge, les principes changent aussi. Cela fait déjà longtemps que gagner de l'argent n'est plus sa principale motivation. Pour lui, le fait de gagner de l'argent et d'en économiser n'a de sens que si cela permet une croissance organique. Il ajoute qu'aujourd'hui, son credo est le suivant : "Il est toujours possible de faire plus que ce que l'on attend de vous."

Pour Steven, les choses sont très simples : "C'est généralement dans ce que vous aimez faire que vous serez le meilleur. Une équipe qui apporte de nouvelles idées et les met en œuvre avec passion est donc le meilleur moteur de croissance pour votre entreprise."

Notre CEO attend le dernier moment pour lancer, très calmement et avec un sourire confiant, que "Le meilleur reste à venir". Dirk Coorevits est en effet convaincu que tout peut être fait beaucoup mieux et bien plus rapidement, et a hâte d'entamer les années à venir. Les trois collègues s'esclaffent ensuite lorsque nous prononçons la citation "I'll be back !" d'Arnold Schwarzenegger. Ce passage dans le bureau du Baron Swerts et de ses deux principaux adjoints a décidément été très agréable, plein d'honnêteté et extrêmement instructif.