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Les jeunes gourous de la technologie et les financements européens sont encore trop peu nombreux pour faire face à l'inexorable course à l’IA industrielle (le Métavers)

19-03-2024

Auteur: Karl D’haveloose

 

 

 

 

Cette fois-ci, nous vous proposons quelque chose qui sort totalement du cadre habituel de nos rencontres avec des pionniers de l'industrie, avec qui nous échangeons toujours en dégustant un bon petit expresso. Mais que les amateurs d'expresso se rassurent : le mois prochain, nous partirons pour Westerlo, où nous nous entretiendrons avec le CEO de Daf Trucks, dont l'usine a récemment été élue 'Factory of the Future' pour l'année 2024.

 

 

Dans le cadre de la dernière édition en date de ce grand rendez-vous incontournable pour tous les acteurs du secteur de l'automatisation industrielle qu'est Indumation.be, qui s'était tenue début 2024, quelque 150 technophiles diplômés de l'enseignement supérieur (ainsi que d'anciens élèves) se sont retrouvés pour assister à la toute première édition de Tech Guru Explosition. Nous tenons d'ailleurs à féliciter non seulement l'organisation (Johannes Cottyn et Tjorven Denorme), mais aussi et surtout l'université de Gand, Howest, Vives, la KU Leuven et la VUB, qui étaient les partenaires en charge des invitations. Des entreprises technologiques telles que Siemens, SEW Eurodrive, Act In Time et Rotero ont quant à elles joué le rôle de partenaires financiers.

 

Le thème de l'édition 2024 de Tech Guru Explosition était 'What The F*zz about the MetAI buzz'. Dans le cadre de ce thème, plusieurs exposants avaient organisé des démonstrations sur l'IA et l'Omnivers dans un contexte industriel. Mais le véritable clou du spectacle a été le débat The Clash et l'after network party qui l'a suivi, où l'ambiance n'avait absolument rien à envier à celle d'une vraie soirée de festival. Une deuxième édition est d'ailleurs d'ores et déjà prévue pour le mercredi 4 février, date de la première journée d'Indumation.be 2026. Ceux qui souhaitent revisionner le débat The Clash trouveront l'enregistrement complet ici.

 

Parmi les participants au débat, il y avait notamment Jean-Pierre van Gastel (Nvidia), Tanguy Coenen (Imec), Tjorven Delabie (arcsec, une jeune pousse qui connaît une croissance fulgurante dans le domaine de la technologie spatiale) et Joeri Ruyssinck (ML2Grow, une société très prometteuse dans le domaine de l'IA).

 

Karl D'haveloose a confronté le panel à quelques questions et déclarations qui font grincer des dents concernant le niveau d'éducation de la génération Z (en faisant référence aux récents résultats des tests PISA), les défis auxquels les start-ups et les entreprises industrielles sont confrontées lorsqu'elles veulent attirer des talents technologiques et trouver des financements, les problèmes liés au déploiement de l'IA et du Métavers dans l'industrie, et la manière dont les figures de proue de la compétence, telles qu'Imec, doivent maintenir leur empreinte mondiale si la Belgique ne veut pas finir par perdre son savoir-faire et son personnel.

 

 

Tanguy Coenen, Scientific Lead for Data Tech chez Imec, explique que, chez Imec, l'IA est largement utilisée sur le plan économique et social grâce à la combinaison de l'apprentissage automatique et des jumeaux numériques, qui permet, par exemple, de simuler des flux de circulation, des comportements d'achat et des émissions de CO2 avant que des solutions ne soient mises en œuvre dans le monde réel. Le grand défi est cependant que de nombreux facteurs et données coexistent et interagissent, et que ces données doivent également être disponibles et surtout partagées. Ce partage des données, dans une ville comme Anvers, par exemple, nécessite de sortir les bases de données des services publics, de la ville et des entreprises de leurs silos fermés afin de les rendre accessibles pour permettre l'exécution des algorithmes. La réglementation relative aux espaces de données n'est cependant pas toujours particulièrement favorable au partage et constitue un sujet très sensible. La loi devrait donc avoir pour mission de rendre le partage d'informations obligatoire, plutôt que de se contenter de protéger ces informations.

 

Tjorven Delabie, fondateur d'arcsec, a quant à lui expliqué comment, en tant que petite entreprise, et malgré les différents obstacles rencontrés, il est parvenu à obtenir des subventions à hauteur de 1,3 million d'euros grâce au caractère innovant de son projet spatial baptisé 'DeDust'. Ce projet, qui repose sur le savoir-faire de la jeune pousse, a pour objectif de détecter, de quantifier et de cartographier les débris spatiaux. La technologie d'arcsec est nécessaire pour que l'on puisse bientôt repérer ces déchets, les rediriger vers des zones plus sûres, les récupérer ou les détruire.

 

De son côté, Joeri Ruyssinck dirige ML2Grow, une jeune pousse dont l'objectif est de rendre la technologie de l'IA accessible aux start-ups comme aux PME et aux grandes entreprises. ML2Grow est actuellement en train de travailler sur un projet avec des groupes d'édition afin d'adapter les mêmes informations et contenus à l'ADN, aux heures de lecture et aux profils des différents groupes cibles. Pour éviter de devoir constamment réécrire des articles, des podcasts et des vidéos pour différents publics, l'IA se charge ici de retravailler le contenu afin de transmettre le message correctement et en temps voulu à toutes les personnes qui doivent être informées. Le principal obstacle qui se pose actuellement est que le contenu, qui est principalement diffusé par les géants mondiaux tels qu'Alphabet (Google), est en anglais. Il est dès lors très difficile de convertir le contenu pertinent sous la forme adéquate en un modèle d'IA néerlandophone.

 

Et enfin, Jean-Pierre van Gastel nous a expliqué comment, dans le cadre spécifique de l'industrie, Nvidia peut former et simuler des robots dans un monde virtuel. Le fournisseur de robots, l'intégrateur et le client peuvent simuler beaucoup plus rapidement et à moindre coût avec des données synthétiques, qui sont ensuite exploitées de manière optimale dans le monde physique. Il a expliqué la différence entre un jumeau numérique et un jumeau visuel, ce dernier n'étant en fait qu'une simple copie visuelle d'une usine ou d'une machine, incapable de simuler. En revanche, le jumeau numérique utilise les données du monde réel. BMW (production) et Amazon (plateforme de simulation des VGA), par exemple, sont des formes concrètes de formation approfondie à l'IA dans l'Omnivers.

 

Métavers – Omnivers – Des interprétations en cascade

Il existe de nombreuses interprétations différentes du Métavers (Meta) ou – pour d'autres – de l'Omnivers (Nvidia). Certains l'associent à un univers de jeu très graphique en 3D, alors que d'autres considèrent surtout la réalité augmentée/virtuelle/étendue comme étant primordiale, un lieu de rencontre pour les avatars, et dans le secteur B2B, il est davantage question de représentations hautement évoluées de jumeaux numériques entraînés.

 

 

Selon van Gastel, le concept existe depuis longtemps. En 1990, on parlait déjà de Second Life, un deuxième monde – virtuel – avec sa propre monnaie, où l'on pouvait même acheter sa propre maison et son propre lopin de terre. Pour Meta, le Métavers est la prochaine version d'Internet (Web 3.0), qui sera en 3D et reposera sur la blockchain. Nvidia décrit l'étape suivante qui, à partir de données d'ingénierie, permettra de simuler de nouveaux environnements de manière très poussée. Autrefois, un produit, une machine ou une maison étaient dessinés sur de grands plans, puis on recalculait et on redessinait encore et encore après chaque nouvelle étude du projet. Aujourd'hui, il vous suffit d'appuyer sur un simple bouton et, à l'aide des données physiques disponibles, un modèle virtuel commence à être dessiné pour vous en collaboration avec plusieurs intervenants. Dans ce contexte, la réalité étendue (XR) est un outil qui vous permet de vous faire une idée aussi précise que possible de la réalité. Pour importer un modèle CAO, avec des milliers de composants, et le transformer en un modèle numérique opérationnel, vous avez besoin d'une énorme puissance de calcul.

 

Cela fait déjà longtemps que l'Omnivers n'est plus un modèle de gaming comme c'est le cas pour Unity, mais une technologie puissante qui permet d'animer et de tester des fichiers CAO complexes dans un environnement réaliste. De nombreuses technologies issues de l'univers des jeux vidéo sont toutefois à la base de cette technologie.

 

 

Coenen ajoute que, chez Imec, par exemple, on travaille sur une nouvelle technologie de capteurs (fusion de capteurs). Les voitures autonomes vont en effet contenir encore plus de capteurs que les voitures intelligentes d'aujourd'hui. Ces capteurs ont tous des fonctions, des propriétés et des limites différentes. Mais Imec va fusionner toutes ces propriétés et données collectées et les tester dans un modèle de simulation. Dans la pratique, vous allez donc créer des prototypes de nouveaux capteurs et les tester dans différentes voitures, mais vous pouvez également les programmer et les développer dans un environnement virtuel, générant ainsi des données synthétiques par le biais de l'IA. Ces résultats synthétiques ne sont peut-être pas encore tout à fait conformes aux données physiques, mais ils permettent d'éviter de perdre beaucoup de temps et d'argent lors de la conception et des essais au cours du développement d'un produit.

 

 

Chez arcsec, les jumeaux numériques sont utilisés pour simuler et tester des situations dans des conditions spatiales. Sur Terre, avec la gravité, des conditions climatiques instables et un ciel étoilé, il est très difficile de déterminer comment un objet se comportera dans l'espace. Tout n'est cependant pas simulé par l'IA ; parfois de bons modèles mathématiques suffisent.

 

 

Pour ML2Grow, la simulation d'une aile d'avion, de ses dimensions et de son comportement, par exemple, nécessite beaucoup de temps, même si l'on a recours à des calculs informatiques traditionnels. Ici, des modèles d'IA bien entraînés peuvent permettre de développer plus rapidement les caractéristiques idéales de cette aile au cours de la phase de conception. Dans ce cas précis, on peut déjà passer d'un millier de simulations à une centaine.

 

Show me the money… et l'IA deviendra accessible à tous

Après avoir surmonté de nombreux obstacles, arcsec est parvenue à obtenir 1,3 million d'euros de subsides de la part de l'EIC Accelerator. Entre-temps, d'autres entreprises similaires travaillant avec OpenAI, comme Mistral (France) et Aleph Alpha (Allemagne), ont réussi à lever 450 millions d'euros de fonds auprès d'investisseurs, sans avoir à présenter de réelles preuves de leurs compétences.

 

Les intervenants ont toutefois été brièvement invités à se prononcer sur la question de savoir si la Belgique est un pays favorable à l'émergence de l'IA et des start-ups technologiques. Ruyssinck réagit immédiatement, déclarant qu'il pense que la Flandre s'est toujours montrée quelque peu conservatrice et que les produits locaux n'y sont pas toujours appréciés à leur juste valeur. Il se réjouit néanmoins qu'après les deux hivers de l'IA depuis 1950, les jeunes trouvent tout à coup l'IA très stimulante, plus que la programmation ennuyeuse, parce qu'ils voient à quel point celle-ci permet d'être créatif. Il ne peut que se réjouir de la forte augmentation du nombre de cours de formation à l'IA, et du fait que l'intérêt pour l'investissement dans les jeunes entreprises spécialisées dans l'IA ne devrait pas tarder à suivre.

 

L'avis de van Gastel est que l'IA ne deviendra pas immédiatement accessible à tous à bas prix ; c'est un outil qui est déjà intégré dans des logiciels plus coûteux d'Autodesk et de Microsoft (Copilot), ce qui en augmente la valeur ajoutée (le prix). Coenen ajoute que cette évolution s'inscrit dans le cadre de la loi de Moore, qui prévoit notamment que la puissance de calcul double tous les 1,5 an. Du côté d'Imec, on utilise le concept BPACE (l'acronyme de Builder, Performance, Area, Cost and Environmental Sustainability). Le facteur coût des puces – le matériel – est très important. Pour les logiciels, ce n'est pas nécessairement la même chose. Mais tout dépend du pouvoir que certains détenteurs de monopoles ont sur le marché. Dans le monde de l'IA aussi, de nombreux blocs géographiques et économiques cherchent à définir les règles du jeu pour assurer une concurrence et une tarification équitables. Coenen n'est ni un accélérateur extrême (liberté totale) ni un décélérateur (régulateur) du secteur de l'IA. Il pense qu'il ne faut pas laisser entièrement carte blanche au système capitaliste et qu'un minimum de régulation est nécessaire à long terme.

 

La fuite des cerveaux

De nombreux ouvrages confirment les statistiques selon lesquelles les jeunes talents du secteur de la technologie préfèrent partir travailler pour les grands acteurs mondiaux, de préférence à l'étranger. La question se pose donc de savoir si nous ne risquons pas de perdre notre savoir-faire et nos talents et de devenir un continent perdu sur le plan de l'IA.

 

Ruyssinck reconnaît que sur les 9 personnes ayant décroché leur diplôme la même année que lui, 8 sont aujourd'hui employées par Google Deepmind à l'étranger. Il a aussi entendu dire que chez Imec, les doctorants les plus talentueux sont souvent attirés par les grandes entreprises technologiques. Cela s'explique notamment par le fait qu'une grande partie de la recherche sur l'IA, qui relevait auparavant de la compétence des centres de recherche et des universités, se fait également chez ces grands hyperscalers.

 

Tanguy tient des propos plus nuancés. Il reconnaît que les jeunes talents sont parfois plus souvent tentés de s'expatrier, mais après quelques années et un changement de situation familiale, ils reviennent souvent au bercail pour profiter de meilleures conditions de vie, de meilleurs services sociaux et du coût moins élevé de la vie. Il voit également de plus en plus d'experts étrangers originaires d'Asie et des États-Unis venir s'installer en Belgique pour travailler chez Imec, précisément en raison de l'environnement social qui y est plus stable. Selon les prévisions, Imec aura besoin de 2.500 personnes supplémentaires dans les 3 années à venir, rien que pour la Belgique, en raison de l'European Chip Act, qui a pour objectif de faire passer la part de l'Europe dans la technologie des puces de 5 à 20 pour cent. Imec dispose de son propre accélérateur, I-start, qui fournit non seulement des ressources, mais aussi un cadre et des conseils aux jeunes pousses technologiques pour que celles-ci commencent à concrétiser de grands projets ici, en Belgique.

 

Chez arcsec, on assiste également à une fuite des cerveaux, mais en sens inverse. De plus en plus d'employés étrangers sont en effet embauchés par l'entreprise, probablement parce que la technologie spatiale est une niche très spécifique. Van Gastel a en outre évoqué la controverse qui existe aux Pays-Bas concernant l'attraction de nouveaux talents technologiques dans des entreprises telles que le constructeur de machines à fabriquer des puces ASML. Aux Pays-Bas, un employé étranger gagne en effet 30 % de plus après impôts qu'un Néerlandais de souche.

 

Les années à venir s'annoncent absolument passionnantes. Pour beaucoup de jeunes de la génération Z, la technologie (y compris l'IA et l'Omnivers), c'est l'avenir.

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